
Une muséographie de la vraie vie vécue : Quand Jean-Benoît Puech expose Benjamin Jordane
Achieving a kind of apotheosis of his works devoted to Benjamin Jordane, a fictitious writer that he created as a kind of doppelgänger book after book over the course of the last thirty years, Jean-Benoît Puech curated two exhibitions on Jordane in 2012 and 2016. These exhibitions are based on the usual documentary feature of the presented objects and the texts that accompany them – some authentic and others created for the occasion. However, this documentary feature is simultaneously destabilized by the fictional character of the biography of Jordane, one that the exhibitions emphatically invite us to discover. As this article shows, what is ultimately on display is also a part of Jean-Benoît Puech’s own intimacy, but an intimacy delivered to us only indirectly.
À Emmanuelle Lambert
PLUSIEURS MOMENTS D’EFFLORESCENCE ont marqué les rapports, souvent complexes, parfois paradoxaux, entre littérature et document, qu’il s’agisse des années trente1, notamment à travers l’âge d’or de l’écrivain reporter2, ou de la période contemporaine, notamment sous la forme de l’enquête3. Cette inclination documentaire d’une certaine frange de la littérature, qu’elle en passe par l’insertion de documents au sein d’œuvres ou qu’elle modèle la conception d’un texte sur le paradigme documentaire, traduit un attrait pour le réel et la connaissance du monde. Elle sous-tend fréquemment le positionnement d’écrivains désireux de s’extirper du carcan imposé par le mythe de la tour d’ivoire et qui, pour ce faire, tendent à diversifier leurs modes de création et d’intervention dans l’espace public. En l’espèce, les possibilités offertes aujourd’hui par certains appareillages techniques, notamment lesdits nouveaux médias, ne sont pas les seules options qui se présentent aux auteurs.
Depuis une vingtaine d’années, de nombreuses institutions font appel à des écrivains pour leur confier des expositions. Pour s’en tenir à la France, le Louvre a ainsi offert ses cimaises à des auteurs tels qu’Umberto Eco, Toni Morrison, J.M.G. Le Clézio, Jean-Philippe Toussaint ou encore Philippe Djian. Une Marie Darrieussecq ou une Christine Angot se sont vu confier un rôle curatorial dans l’organisation d’expositions consacrées à des peintres (Paula M. Becker et Delacroix), par le Musée d’art moderne de la ville de Paris et le Musée Delacroix, respectivement. En 2016, Michel Houellebecq a été accueilli par le Palais de Tokyo et, la même année, Jean-Christophe Bailly inaugurait à l’IMEC un programme de cartes blanches successives à un invité extérieur pour mettre en valeur les fonds de l’institution à travers une exposition4. Enfin, le MUCEM a, à deux reprises, confié à Emmanuelle Lambert des expositions monographiques d’envergure consacrées à des écrivains, en l’occurrence Genet et Giono.
Présentées comme destinées à porter sur les collections un regard différent de celui qui émane de l’institution, de telles invitations s’inscrivent dans un mouvement de plus vaste ampleur. Issu du monde de l’art contemporain, ce [End Page 111] phénomène a débuté durant les années 1960 et a sensiblement transformé l’activité curatoriale, au point de désormais faire des artistes des commissaires à part entière, de même que de certains commissaires des artistes en puissance5. De telles collaborations sont marquées par la rencontre entre les impératifs des uns et les obligations des autres, notamment la mission des musées en tant que lieux de diffusion des connaissances. À l’exception de Houellebecq au Palais de Tokyo, les écrivains commissaires interviennent au sein d’institutions à vocation historique et patrimoniale, pour lesquelles l’exposition est soustendue par un impératif documentaire qui ne manque pas d’avoir une incidence sur le cadre dans lequel opèrent les bénéficiaires de telles cartes blanches.
Dans le panorama des expositions conçues par des écrivains contempo-rains, celles organisées par Jean-Benoît Puech (à Paris, au siège des Éditions Orchampt, en 2012 et à la médiathèque de l’Université de Bourgogne, en 2016) à propos de son double de papier, Benjamin Jordane, sortent du lot à plusieurs titres. Indépendantes d’une programmation muséale, et alors que les écrivains sont souvent sollicités pour porter un regard sur des ensembles disparates (collections d’art ou d’archives, comme celles de l’IMEC), elles sont consacrées à un écrivain, à l’instar de celles d’Emmanuelle Lambert au MUCEM. En outre, et plus fondamentalement, selon une formule que l’écri-vain déploie à l’envi dans ses écrits relatifs à Jordane, les expôts présentés et les textes qui les accompagnent documentent une biographie—il s’agit de faire connaître l’œuvre et la vie de Jordane—, mais ce caractère documentaire se voit dans le même temps déstabilisé par le caractère fictionnel de la vie que le dispositif invite à découvrir.
Parfaitement conséquente avec la part imitative de cette supposition d’auteur, l’entreprise de Puech conjugue réalité documentaire et fiction. Elle prend doublement corps au sein d’une forme médiatique—l’exposition (et le catalogue qui l’accompagne)—traditionnellement étrangers non pas à la littérature, mais aux formes les plus convenues, livresques en particulier, de la création littéraire. Non seulement à l’occasion des deux expositions en tant que telles, mais aussi dans les deux catalogues qui les ont accompagnées et en conservent la trace6, le dispositif mis en œuvre use en effet du miroir d’une fiction étayée par une matérialité : celle d’un ensemble mêlant des documents authentiques et d’autres, créés pour l’occasion, réunis dans une œuvre dotée d’une indéniable charge intime, qui n’est cependant livrée que par la bande.
Documenter Benjamin Jordane
Si la démarche consistant à concevoir une exposition au sujet d’un écrivain imaginaire peut paraître unique en son genre—je n’en ai pour ma part rencontré [End Page 112] aucun autre cas de figure, mais il suffit parfois de persévérer dans ses recherches…—, elle s’inscrit dans le prolongement logique d’une œuvre au sein de laquelle les catégories documentaire et fictionnelle s’articulent avec constance, selon une logique qui participe pleinement de la tradition de la supposition d’auteur à laquelle Jean-Benoît Puech a consacré une thèse sous la direction de Gérard Genette7. Les livres consacrés ou attribués au fil des ans à Benjamin Jordane proposent en effet un passage en revue des formes les plus courantes parmi celles qui président à la médiation de la littérature : de l’édition de textes accompagnés d’un appareil critique à la biographie de l’écrivain en passant par un bulletin édité par une société d’amis aussi fictive que leur auteur fétiche, Puech décline des formules qui documentent la vie et l’œuvre de Benjamin Jordane.
Lorsqu’il publie son premier livre en 1979, La Bibliothèque d’un amateur, Puech n’accorde encore qu’une place relativement mineure à la figure qui lui permettra ultérieurement de se livrer avec ce subtil mélange d’intimité affichée et de pudeur devenu l’un des traits de ses écrits. Jordane n’est encore à ce stade qu’un personnage anecdotique figurant dans les plis d’un récit éminemment borgésien. Le livre se compose d’une série de résumés d’ouvrages figurant au catalogue de la vente d’une bibliothèque ayant appartenu à un amateur éclairé. Particulièrement ramassés, ces textes sont sous-tendus par un ressort documentaire : ils se présentent comme le fruit d’un catalogue répertoriant des ouvrages qui documentent une vie de bibliophile ; en outre, ce catalogue génère des condensés de fictions qui documentent la teneur des ouvrages catalogués. En d’autres termes, le document apparaît dans ce livre comme une matrice fictionnelle à plusieurs échelles, formellement aussi bien que thématiquement.
Près de quinze ans plus tard, Jordane commence à prendre une certaine consistance, à travers une série de livres présentés comme autant d’éditions d’écrits de et sur celui dont Puech fait un écrivain défunt, qu’il a connu et dont il est devenu un spécialiste. En 1993 paraît L’Apprentissage du roman8, ex-traits du journal consacré par Jordane au grand écrivain qu’il admire et rencontre régulièrement à Paris, Pierre-Alain Delancourt ; puis, en 2008, Benjamin Jordane, une vie littéraire9, où figure, entre autres inédits (et études de spécialistes imaginaires), sa correspondance supposée avec le même Delan-court. À peine transposées de lettres que l’auteur a échangées avec Louis-René des Forêts, ces pages sont précédées d’une introduction et accompagnées d’un ensemble de notes érudites, que Puech signe en se présentant comme leur éditeur scientifique, et qui correspondent en tous points à ce que le lecteur peut attendre de l’édition savante d’une correspondance entre écrivains. Imitant les [End Page 113] codes de la critique d’érudition, un tel dispositif énonciatif institue ces lettres comme des documents portant témoignage d’un pan de la vie de l’écrivain.
Dans le prolongement de ces éditions de textes attribués à Jordane, Puech publie Toute ressemblance…10, Présence de Jordane11 et Jordane revisité12, livres dont le statut documentaire repose sur un principe analogue à celui qui prévalait dans L’Apprentissage du roman. L’appareil critique qui encadre les fictions de Jordane transposant des événements de sa biographie supposée trace à nouveau une ligne de partage entre les fonctions et statuts des textes rassemblés, dans la mesure où les uns (l’appareil critique, attribué à des tiers, Puech lui-même ou d’autres, comme Stefan Prager) confèrent aux autres (les textes de Jordane), un statut de documents. En somme, Puech endosse, comme dans sa thèse, la tunique de l’historien de la littérature, à ceci près qu’il s’agit pour lui d’imiter la façon dont se construisent et circulent les figures d’écrivains et leurs œuvres dans l’espace public13, en déclinant une large gamme de types de récits (dans les textes de Jordane), en même temps que les formes principales de la critique érudite.
Dans l’optique de ce passage en revue du répertoire de la critique relative à un écrivain, la parution en 2008 du premier des « Cahiers des amis de Benjamin Jordane », Benjamin Jordane, une vie littéraire, ajoute une dimension supplémentaire à la démarche. Placé sous la direction de Puech et d’un nouvel acolyte, Yves Savigny, ce volume imite en tous points—avec un supplément de luxe, tout de même—les bulletins publiés par les associations d’amis d’écrivains. Se présentant comme un recueil d’articles consacrés à Jordane, ainsi que d’inédits de l’auteur, il donne à la compulsion documentaire qui anime cette œuvre une forme d’apogée, à travers, notamment, un recours inédit à l’image14. Le volume comprend en effet un cahier d’illustrations qui rassemble la panoplie classique de l’iconographie de l’écrivain : portraits de l’auteur—peu nombreux, toutefois—, photographies de membres de sa famille et relations personnelles, reproductions de couvertures de livres ou encore images des lieux de sa vie ou ayant inspiré ses écrits.
Si Une biographie autorisée15, livre publié sous le nom d’Yves Savigny adopte une manière d’apparence plus classique—la biographie romancée à la manière d’André Maurois—, elle n’en relève pas moins du même procédé. Eu égard à son genre, elle se présente comme le fruit d’une enquête et, par conséquent, d’un ensemble de documents qui, s’ils ne sont pas produits au sein du volume, demeurent susceptibles d’attester de la véracité des événements relatés. Les écrits et la vie de Jordane ne sont livrés qu’à travers un discours d’escorte reposant sur une rhétorique documentaire destinée à accréditer la fiction hétéronyme. Atypique—par sa constance, notamment—, cette démarche [End Page 114] reprend à son compte certains modes coutumiers de patrimonialisation de l’écrivain, dans un dispositif—celui de la supposition d’auteur—qui ne dissi-mule que momentanément son caractère fictionnel, subvertissant ainsi le tropisme documentaire de cette démarche d’« autobiographie par procuration » dont l’exposition constitue la dernière déclinaison.
L’exposition, dernier avatar d’une inclination documentaire
La mobilisation de l’iconographie de Jordane donne un tour supplémentaire au ressort documentaire inhérent à l’entreprise de Puech. L’image, photographique en particulier, revêt en effet un pouvoir d’attestation du réel (le fameux ça a été de Barthes) qui rend plus prégnant l’effet documentaire des dispositifs éditoriaux mis en œuvre. À cet égard, dans la trajectoire et l’évolution des écrits de Puech, l’exposition prend à n’en pas douter une place singulière. Comme le note Véronique Montémont à propos de l’autobiographie contemporaine, le document peut être convoqué sous différentes formes : reproduction, citation, description16. Et d’ajouter :
La manière dont l’auteur choisit de montrer ou non le document, et avec quel degré de précision contextuelle, est révélatrice du rôle qu’il souhaite lui faire jouer : plus la pièce est reproduite fidèlement, plus sa valeur référentielle semble élevée. Le fac-similé ou le document iconographique semble en conséquence celui qui offre le meilleur capital de créance.
(Montémont 45–46)
Outre qu’elle opère un retour aux sources du premier livre de Puech, en adoptant la forme du catalogue qui fascine l’écrivain depuis ses débuts, la double exposition au sujet de Jordane paraît radicaliser, davantage encore, le caractère documentaire de cette démarche au long cours de supposition d’auteur. Elle donne cette fois à voir non des images, mais bien des objets : dans les expositions, pour celles et ceux qui ont pu les visiter et les voir de leurs yeux, mais aussi dans le catalogue qui, en vertu de sa forme et de ses fonctions, atteste (« ça a été », une fois encore…) de la présence effective des objets présentés lors de l’exposition dont il constitue la trace livresque et sur la base de laquelle il livre un portrait de l’écrivain supposé emblématisé par celui qu’a réalisé Pierre Le Tan et que Jean-Benoît Puech a reproduit dans plusieurs livres, notamment en couverture de Jordane et son temps (Figure 1).
Ces expositions s’avèrent, en apparence à tout le moins, relativement classiques dans leur forme. Elles montrent un ensemble de « livres, manuscrits ou objets exposés » sous des vitrines qui contribuent à en faire des documents témoignant de la vie et de l’œuvre de l’écrivain mis en vedette. Sur les cartels informatifs comme dans le « catalogue », ils sont présentés, « [s]auf mention [End Page 115] contraire », comme « prov[enant] des archives de la famille Jordane ou d[e ses] archives personnelles17 ».
Le catalogue de l’exposition Jordane et son temps présente les objets matériels et mentaux que l’écrivain avait collectionnés, et même ceux dont il s’était peu à peu séparé. Le lecteur y découvrira des reliques présentées aussi bien pour leur valeur historique que pour leurs liens avec la vie publique, privée, voire intime, de l’écrivain.
(Quatrième de couverture)
Ainsi le visiteur peut-il découvrir une série de documents personnels (Figures 2 et 3), dont certains sont donnés à voir dans le catalogue publié par P.O.L : montre du père de l’écrivain, photographies et lettres privées, cartes postales, mais aussi (et surtout, quantitativement parlant) des imprimés tels que livres, revues ou magazines anciens, ainsi que des catalogues (de jouets, notamment) et, bien entendu, une série de publications signées de Jordane ou de certains de ses proches, dont certaines créés de toute pièce à l’occasion de cette sorte d’apothéose de la supposition d’auteur (Figure 4).
Jordane et son temps, 1947–1994 (Paris : P.O.L, 2017), page de couverture.
Ces différents objets participent de la gamme des expôts traditionnellement présentés dans les expositions rétrospectives consacrées aux écrivains, à l’instar de celles de la BNF prises pour modèles par l’auteur18. Au sein du catalogue, ces documents sont présentés comme ayant été réunis physiquement [End Page 116] à l’occasion de l’exposition, dans la mesure où ce volume, l’instantanéité volontiers prêtée à la photographie en moins, atteste le ça a été de l’exposition, qui elle-même s’emploie à reconstituer celui d’une vie d’écrivain. Au sein des catalogues publiés par Puech, la description matérielle des documents respecte les normes en vigueur—taille, provenance, dates…—et, ce faisant, contribue à les lester de leur poids d’authenticité. Obéissant à l’impératif documentaire qui sous-tend, selon Jean Davallon, toute entreprise de patrimonialisation19, en l’occurrence celle d’une figure d’écrivain, l’authenticité de l’objet doit être garantie par une autorité compétente, celle que Puech s’attribue parfois, confie d’autres fois à d’autres auteurs supposés (Prager, Savigny & Cie…).
Jordane et son temps, 1947–1994, exposition au siège des Éditions Orchampt, 2012.
Dans la confrérie des créateurs d’auteurs supposés, Puech se distingue non seulement par l’ampleur de son entreprise, mais aussi par son recours à la for-mule de l’exposition monographique20. Comme souvent, l’auteur fait reposer l’efficacité du dispositif qu’il élabore sur une « mémoire des formes »21, muséographique et éditoriale, en l’occurrence celle de l’exposition et de ce livre au statut et aux fonctions particulières que constitue le catalogue. L’un comme l’autre instituent en effet aux yeux des visiteurs et des lecteurs le [End Page 117] caractère documentaire des expôts présentés en en faisant des traces, c’est-à-dire, dans les termes d’Yves Jeanneret, des « inscriptions qui peuvent avoir valeur d’indice22 ». En d’autres termes, un caractère indiciel se voit conféré aux objets donnés. Si l’on en croit Davallon, au sein de ce médium spécifique que constitue l’exposition, ce trait conduit les expôts à mettre en contact les visiteurs avec le « monde » dont ils sont issus, en l’occurrence celui de l’écri-vain dont ils apparaissent comme des reliques.
Jordane et son temps, 1947–1994, exposition à la Bibliothèque universitaire de Dijon, 2016.
Éminemment stratifiée, une telle rhétorique du document demeure toutefois soumise à la logique de la supercherie qui sous-tend la supposition d’auteur et qui consiste à n’instituer le document que pour mieux lui soustraire son statut dans un second temps (un second temps logique davantage que chronologique) et l’inscrire au sein d’une fiction23. Si le procédé affiche en première instance tous les caractères de l’attestation documentaire, le dévoilement du caractère fictionnel de la figure de Jordane et du discours critique qui lui a été consacré requalifie en même temps les composantes du dispositif et, partant, les valeurs et fonctions prêtées aux documents produits. Dès lors que le visiteur de l’exposition ou le lecteur de son catalogue est au parfum (et le lectorat [End Page 118] de Puech, relativement trié sur le volet, est dans sa majeure partie un public de fidèles), l’écrivain, sa vie et son œuvre, de même que l’ensemble des textes, des images et des objets censés en assurer l’existence et la connaissance, basculent dans le domaine de la « feintise ludique partagée24 ».
Jordane et son temps, 1947–1994, cahier d’illustrations, IV-V.
Pour autant, une telle fiction n’est nullement délestée de toute attache référentielle et de tout ancrage biographique, au contraire. En réalité, cette élaboration vertigineuse autour de la figure de Jordane permet à Puech d’égrener des épisodes de sa propre biographie en les transposant non seulement dans celle de Jordane, mais aussi dans des univers fictionnels à plusieurs fonds (ceux des écrits de Jordane), comme il le laisse entendre à de multiples reprises, soit explicitement—à la faveur d’entretiens, mais aussi dans la pré-face d’un livre tel que Jordane revisité—, soit plus implicitement, en soulignant combien, dans les récits qui lui sont attribués, Jordane se livre, lui aussi, à une transposition de sa propre biographie. À la faveur de ce mille-feuille énonciatif, Puech opère une mise en abyme—la figure hante son écriture, ainsi qu’en témoigne le photogramme issue du Vertigo d’Hitchcock en couverture de Toute ressemblance…—de sa démarche qui, à certains égards, lui confère son plein accomplissement en élaborant une galerie de glaces dont les reflets se répondent et donnent forme à une poétique de la fidélité. [End Page 119]
Jordane et son temps, 1947–1994, 18–19.
Une muséographie de la fidélité
Le motif de la fidélité, qui sous-tend toute rhétorique documentaire—un document doit se montrer fidèle à ce qu’il en est censé documenter et le geste documentaire est affaire de temps dans la mesure où il se situe dans le cadre d’un processus mémoriel—, innerve de part en part l’entreprise pseudo-documentaire mise en œuvre par Puech. En témoigne le premier expôt présenté dans Jordane et son temps : la « montre de Benjamin Jordane », qui « appartint pendant des années au capitaine Jordane (1906–1990) », père de l’auteur supposé (Figure 5). Cette notice se conclut sur la précision suivante : « Benjamin Jordane porta cette montre à partir du décès de son père en 1990 » (Jordane et son temps 19). Inscrite dans le temps, la fidélité repose sur une transmission, susceptible d’assurer une survie mémorielle que ladite montre, présentée sous ses deux faces dans le catalogue, incarne doublement : en symbolisant un lien de filiation, mais aussi à travers sa fonction de mesure du temps, qui lui impose une correspondance—le mouvement circulaire des aiguilles de la montre correspond à l’écoulement du temps—dont le principe recoupe celui de la fidélité.
Les expositions relatives à Jordane et les ouvrages qui en portent témoignage sont tous régis par une élaboration composite. Elle repose sur une collection [End Page 120] d’objets chronologiquement présentés, dont le caractère disparate se trouve relativisé par l’inscription dans la trame d’une biographie—de l’évocation des parents de l’écrivain à sa mort en passant par les principaux épisodes de sa vie—, et par la répartition des sections en plusieurs périodes, chacune brièvement présentée, dans le volume publié par P.O.L, par une introduction d’une à deux pages. Ces expositions et leur catalogue proposent ainsi de l’auteur supposé un portrait diffracté qui, en vertu des impératifs du genre, est soumis à un principe de fidélité à la personne présentée. Cette relation repose sur une série d’objets accompagnés, au sein de Jordane et son temps, d’un ensemble de courts textes qui permettent de suivre, quoique par bribes, le fil biographique, notamment à travers des citations issues de livres de Jordane ou qui lui ont été consacrés (Figure 6).
Jordane et son temps, 1947–1994, 18–19.
Tels qu’ils sont présentés, certains de ces expôts sont suivis de séquences plus ou moins développées. Certaines citent un passage du document auquel elles se rapportent, notamment quand il s’agit de lettres ou de dédicaces (cela permet au lecteur qui n’a pas le document sous les yeux de connaître une [End Page 121] partie de sa teneur) ; d’autres séquences comprennent des commentaires des commissaires, écrits pour l’occasion ou non, et qui, lorsque tel n’est pas le cas, sont en particulier issus de la biographie d’Yves Savigny. À en croire Puech, ce dernier n’aurait pas été en mesure de mener à son terme la préparation de ce catalogue. « Avec [l]a permission » de Savigny, précise celui qui a pris soin d’achever ce roman expographique, « j’ai cité fréquemment des extraits parfois très narratifs, à la suite des notices strictement descriptives, pour conférer à l’ensemble un caractère relativement composite, mais plus animé qu’un répertoire académique25 ». Reprenant avec son accord les textes de Savigny, Puech affiche un souci de fidélité au projet de l’initiateur de l’exposition et du livre qu’il parachève.
Cette poétique citationnelle se décline donc non seulement à travers le médium de l’exposition—s’agissant de l’ensemble des objets exposés—, mais aussi dans les textes qui les accompagnent et sont le fruit d’une sélection—donc d’une forme de commissariat scripturaire—au sein des livres précédents. Ce registre citationnel commence par la double (forcément…) citation de La Terre vaine, poème de T. S. Eliot, placée à l’entame du livre (pour la première) et à son terme (pour la seconde)26. L’évocation par Puech de l’attachement de Jordane à ce texte—il « a souvent cité le beau poème d’Eliot selon lequel le plus vivant échappe à la mémoire matérielle ou mentale » (Puech, Le Rêve 12)—tend à réduire la part du commissaire de l’exposition. En présentant ces citations issues d’un poème auquel Jordane vouait une forme de fidélité, tout se passe comme s’il s’agissait de citer non seulement Eliot, mais aussi le geste de citation auquel Jordane était accoutumé et d’ainsi faire contresigner par lui son propre geste citationnel, et plus largement curatorial.
La reprise par Puech de passages des publications de Savigny, mais aussi et surtout de Jordane, ressortit à ce trope, éminemment fréquent dans la critique littéraire et qui manifeste un évident souci de fidélité consistant à se placer sous l’autorité de l’auteur commenté pour présenter sa vie et son œuvre en ne trahissant pas son « esprit ». À travers ce procédé, Puech induit que l’exposition qu’il présente se montre fidèle à Jordane ainsi qu’à son biographe en les présentant, tous deux—Savigny de façon effective, Jordane de façon plus métaphorique ou, à tout le moins, allusive—, comme les véritables auteurs d’une exposition et d’un catalogue qu’il se serait borné à finaliser. Manière d’autoriser le portrait proposé au sein de cette exposition en le faisant tendre vers l’autoportrait, qui constitue l’un des idéaux du genre du portrait en vertu de l’idée selon laquelle le sujet du portrait, s’il se dépeint lui-même, insufflera à son image, dans la manière même dont il le façonnera, l’esprit qu’est censé cerner ce type de représentations27. [End Page 122]
À travers l’exposition qui lui est consacrée, il s’agit donc non seulement de livrer un portrait aussi fidèle que possible de Jordane, mais aussi, et compte tenu, précisément, de ce souci de fidélité inhérent à l’exposition monographique, de proposer une exposition placée sous le patronage d’un Jordane affublé d’un rôle de commissaire anthume. Selon Puech, « [c]hacun d[es] objets » présentés « témoigne à sa manière des choix de l’écrivain à même l’existence : choix de retours et choix de départs, choix d’étapes et de parcours, choix d’amis, choix de compagnes, choix esthétiques et choix moraux qui lui ont permis de dépasser ou de maintenir les conditions dans lesquelles il a grandi » (Puech, Le Rêve 13). Cette insistance sur l’opération du choix, dans un contexte d’exposition, ne laisse pas de conférer à Jordane un rôle de commissaire de sa propre vie qui anticipe l’exposition qui lui sera consacrée. Et Puech de noter : « Qui sait si Jordane, dans le lointain silence et le proche secret de sa dernière demeure, n’avait pas rêvé cette exposition ? » (Puech, Le Rêve 13).
Selon le titre de la préface signée par Puech, ce serait en somme « Le Rêve de Jordane » qui se réaliserait à la faveur de cette exposition consacrée à un auteur au sujet duquel le commissaire de l’exposition se demande, à travers une question toute rhétorique : « [j]usque dans son retrait final en Haute-Auvergne, n’a-t-il pas continué de conserver ses livres et ses manuscrits, son journal intime, les doubles de ses lettres qu’il projetait d’attribuer à ce Vincent Vallières dont il voulait écrire l’œuvre et la biographie ? ». En effet, subrepti-cement placée sous l’autorité de Jordane, imitant une exposition projetée par ce dernier au sujet d’un écrivain de son invention, l’exposition se présente, par-delà le voile de pudeur de la fiction, comme le lieu d’une intimité exhibée, celle de Jean-Benoît Puech lui-même. Pareille mise en abyme de la supposition d’auteur reconduit ainsi « du côté de la mémoire, de la muséographie, des signes qui ne trahissent pas, mais composent au contraire la vraie vie vécue » (Puech, Le Rêve 13), telle que le commissaire d’une exposition consacrée à un créateur peut la concevoir.
Dans sa brève préface à Jordane et son temps, Puech évoque un aspect des rapports de Jordane avec la littérature, sa méfiance pour les courants de l’avant-garde critique des années 1960–1970 et son « soupçon que l’art du langage verbal ne peut se réduire à la réalisation et au commerce d’ouvrages imprimés » (Puech, Le Rêve 12), au profit d’une parole vive ne laissant pas de trace, une sorte de littérature pure. Et de commenter la position prise par le commissaire initial de l’exposition :
Pour rester fidèle à ce Jordane aventureux et romanesque, Yves Savigny aurait donc dû s’attacher surtout à « l’homme sans œuvre », admettre qu’aucune des traces de la vie perdue ne restitue sa vraie personnalité, et renoncer à revoir l’être qu’il aimait à travers les objets qu’il [End Page 123] aima. Il n’en a rien fait. Savigny n’a visiblement pas le culte de la Présence pure. Elle ne semble pour lui qu’un rêve de la patience, ou de la mémoire, ou de la représentation.
Mais il ajoute, comme pour faire droit à l’autre face de ce personnage nécessairement double que fut Jordane :
D’un tout autre Jordane, il tient probablement une foi plus active dans l’art de l’empreinte visible et de sa portée presque imprévisible. […] Jordane crut, au plus intime, à la survie assurée par l’écrit devenu littéraire. Il crut à cette forme de salut qui transfigure l’existence brouillonne de la vie quotidienne et du premier jet, dès que le travail de la trace l’emporte sur le plaisir sans reste.
(Puech, Le Rêve 13)
À la faveur de ces considérations, Puech affiche sa propre fidélité, une fidélité dédoublée dans la mesure où elle porte à la fois sur le travail curatorial initié par Yves Savigny, mais aussi, du même geste au regard de ce qu’il évoque au sujet de la fidélité de Savigny à Jordane, sur Jordane lui-même, non seulement sur celui qui se montrait fasciné par le mythe littéraire d’une pureté sans reste (une des formes de « l’adieu à la littérature ») et celui qui, au contraire, estimait la littérature et ce qu’elle implique de réélaboration, comme lieu par excellence de « la vraie vie vécue ».
Tout le paradoxe (peut-être) et la spécificité (certainement) du recours de Puech à la supposition d’auteur repose sur un ressort selon lequel, une fois connu le statut de fiction du dispositif, la donne documentaire de l’exposition n’en demeure pas moins. En effet, le caractère fictionnel de l’exposition ne soustrait pas leur statut documentaire aux pièces présentées. Seule l’identité de l’individu auquel elles sont rapportées est affectée. Tout en se présentant comme portant sur un écrivain fictionnel, fondée sur des objets bel et bien visibles (sinon tangibles), l’exposition demeure une exposition en bonne et due forme, dont une part des expôts sont présentés comme appartenant en réalité au commissaire. En définitive, que le lecteur ignore ou non la supercherie, qu’il partage ou, au contraire, ne partage pas la connaissance quant au caractère de feintise ludique du procédé, certains de ces expôts conservent leur valeur documentaire, bien qu’elle ne soit plus indexée au même « monde » : il ne s’agit plus de documenter la vie de Jordane, mais bien celle de Puech.
Petit exercice de fiction spéculative : imaginons un thuriféraire tenté, un jour, de concevoir une exposition monographique consacrée à Jean-Benoît Puech. Que pourrait-il exposer au juste ? Des manuscrits et des livres, bien sûr, mais aussi, très vraisemblablement, une part notable des objets présentés dans Jordane et son temps, que ce soit, classiquement en ce type d’expositions, pour documenter la vie et l’œuvre de Puech ou, de façon plus particulière eu égard à la singularité de la supposition d’auteur, pour donner à voir [End Page 124] certains des expôts factices utilisés lors des expositions consacrées à Jordane. En somme, et sauf dans le cas d’un parti pris de commissaire qui serait précisément adopté contre cette chausse-trappe, le dispositif invite tout futur commissaire d’une telle exposition, s’il ne le contraint pas tout simplement, à faire preuve d’une fidélité plus ou moins prononcée à l’œuvre (et à l’exposition) originale, en procédant à des citations, non seulement textuelles, mais aussi matérielles, des expositions présentées relatives à Benjamin Jordane.
Jean-Benoît Puech commissaire
Bien que, pour nombre d’écrivains commissaires, l’exposition demeure relativement marginale au regard de leur œuvre, la plupart d’entre eux paraissent éprouver la nécessité d’y intervenir en tant qu’écrivains. Si certains se bornent à signer un texte d’introduction au catalogue de leur exposition, de facture le plus souvent essayistique, à l’instar de Toni Morrison, J.M.G. Le Clézio ou Umberto Eco, d’autres, comme Philippe Djian, font le choix d’écrire une fiction pour l’occasion, selon une formule qui tranche quelque peu avec les attendus traditionnels d’un ouvrage à vocation documentaire. D’autres prolongent l’aventure ailleurs que dans le catalogue, sur leur propre terrain, en faisant paraître chez leur éditeur attitré des essais sur les figures auxquelles ils ou elles se sont consacré(e)s. Ainsi Marie Darrieussecq et Emmanuelle Lambert publient-elles des ouvrages qui, tout en témoignant de la préparation de l’exposition, brossent un portrait des créateurs sur lequel elles se sont penchées28.
À cet égard, la singularité de l’approche d’un Puech réside dans le fait que l’ensemble du processus se trouve placé sous le signe de la feintise ludique partagée, tout en reposant sur une rhétorique documentaire, de façon plus prégnante que jamais en termes de dispositif d’accréditation. Contribuant à une supposition d’auteur déployée dans un espace muséographique, ces expositions relèvent de part en part de l’œuvre de Puech, contrairement à la plupart de celles confiées à des écrivains commissaires. Seules celles réalisées par Jean-Philippe Toussaint au Louvre et par Michel Houellebecq au Palais de Tokyo relèvent entièrement de ce que Dominique Maingueneau appelle l’« espace canonique », soit celui de l’œuvre (par opposition avec les discours qui l’accompagnent et relèvent de l’« espace associé »)29, à ceci près qu’elles s’inscrivent résolument dans le champ de l’art contemporain, de même que les ouvrages qui les accompagnent et ont été conçus comme des livres d’artiste à part entière, dans lesquels la part documentaire passe au second plan.
Si elle paraît à première vue n’entretenir que peu de rapports avec les entreprises littéraires contemporaines à soubassement documentaire, par exemple celles qui adoptent la forme de l’enquête, l’œuvre de Puech, aussi [End Page 125] atypique puisse-t-elle paraître, participe d’une tendance plus large, qui mobi-lise les documents personnels au sein d’entreprises à vocation autobiographique. Au fil des ans, le principe qui sous-tend l’invention de Benjamin Jordane a pris de l’ampleur et s’est, d’une certaine façon, progressivement sophistiqué, jusqu’à donner lieu à une forme de création littéraire hors du livre. Cette élaboration trouve en effet une sorte de point culminant avec les expositions consacrées à l’auteur supposé et le caractère sinon tangible (on ne touche tout de même pas les documents, présentés sous vitrine, et dans les pages du catalogue), du moins visible, que les objets présentés confèrent à certains épisodes biographiques récurrents, qui prennent corps à cette occasion en façonnant un véritable musée des obsessions de Jean-Benoît Puech.
Nombre d’artistes contemporains ont fait œuvre d’objets (personnels ou non) collectionnés au cours de leur vie, notamment sous forme d’installations. S’il paraît en première instance éloignée de l’art contemporain—par les lieux d’exposition investis, ainsi que par son ancrage résolu dans une certaine tradition littéraire—, le geste curatorial de Puech recoupe à cet égard une entreprise de collecte et d’exposition de documents de nature biographique telle que celle de Christian Boltanski, avec qui l’inventeur de Jordane dialoguait en 201430, reconnaissant à cette occasion une parenté entre leurs entreprises respectives. L’un et l’autre ont en effet composé, bien que selon des formes distinctes, des sortes reliquaires anthumes qui, s’agissant de Puech, doivent permettre au visiteur et au lecteur de « percevoir, au-delà de l’histoire collective et individuelle, une conversion discrète à l’intemporel »31. La fidélité serait, peut-être, l’une des formes les plus abouties de cette conversion.
De telles conceptions de l’exposition tendent à réduire comme une peau de chagrin le voile qui sépare l’œuvre de la vie, qui trouverait sa version la plus aboutie dans la création, littéraire et muséographique uniment. Les correspondances personnelles de l’écrivain, truffées d’allusions à ses écrits, et qui floutent à plaisir la ligne de démarcation entre l’écrivain réel et ses figures fictives, témoignent de cette fidélité de l’œuvre à « la vraie vie vécue », mais aussi aux relations entretenues par Puech avec ses amis et certains de ses lecteurs. Qu’on me permette, pour conclure, et en dépit des usages en la matière, de citer (et de produire, ci-dessous), pour l’attester, un document d’ordre privé. Cette nouvelle pièce à verser au dossier de ce souci de la fidélité propre à Jean-Benoît Puech n’est autre que la dédicace manuscrite de Jordane et son temps, par ses deux concepteurs, à l’auteur du pré-sent article : « Pour toi, cher David / avec les fidèles amitiés / du commissaire et de / ses complices ! / Jean-Benoît, YS / et Cie ! / Orléans le 7.4.17 » (Figure 7). [End Page 126]
Jordane et son temps. 1947–1994. Page de faux-titre (forcément…) avec dédicace des auteurs. Collection particulière.
KU Leuven—MDRN & RIMELL
Ce travail s’inscrit dans les recherches conduites par les RIMELL (qui sont un réseau de Recherches interdisciplinaires sur la muséalisation et l’exposition de la littérature et du livre : http://www.litteraturesmodesdemploi.org/presentation-2). Il relève d’un travail en cours sur la figure de l’écrivain commissaire (voir à ce sujet les captations de la journée organisée en mai 2018 à Bozar à Bruxelles (https://z.umn.edu/6v8k).
Notes
1. Anne Reverseau, Sarah Bonciarelli et Carmen Van den Bergh, dir., Littérature et document autour de 1930 : Hétérogénéité et hybridation générique (Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2014).
2. Myriam Boucharenc, L’Écrivain-reporter au cœur des années trente (Villeneuve d’Ascq : Presses universitaires du Septentrion, 2004).
3. Laurent Demanze, Un nouvel âge de l’enquête : Portrait de l’écrivain contemporain en enquêteur (Paris : Corti, 2019).
4. « “Ouvrir une boîte comme on ouvre la bouche” : Les Expositions cartes-blanches de l’IMEC », à paraître dans Littérature (2021).
5. Voir Julie Bawin, L’Artiste commissaire : Entre posture critique, jeu créatif et valeur ajoutée (Paris : Éditions des archives contemporain, 2014).
6. Jordane intime, de diffusion restreinte, en 2012, et le catalogue Jordane et son temps, en 2016, qui s’écarte des standards actuels en la matière (en dépit de la taille du volume, 18 × 24, exceptionnelle chez P.O.L, notamment s’agissant de l’illustration.
7. Jean-Benoît Puech, L’Auteur supposé, thèse sous la direction de Gérard Genette (Paris : École des Hautes Études en Science Sociales, 1982). Cette thèse est ensuite fictionnalisée par son auteur dans Du vivant de l’auteur (Seyssel : Champs Vallon, 1990).
8. Benjamin Jordane, L’Apprentissage du roman, texte établi, présenté et annoté par Jean-Benoît Puech (Seyssel : Champs Vallon, 1993).
9. Jean-Benoît Puech & Yves Savigny, dir., Benjamin Jordane, une vie littéraire (Seyssel : Champs Vallon, 2008).
10. Benjamin Jordane, Toute ressemblance…, texte établi, présenté et annoté par Stéphane Prager (Seyssel : Champ Vallon, 1995).
11. Jean-Benoît Puech, Présence de Jordane (Seyssel : Champs Vallon, 2002).
12. Jean-Benoît Puech, Jordane revisité (Seyssel : Champs Vallon, 2004).
13. Voir en particulier Jean-Benoît Puech, « Du vivant de l’auteur », Poétique, 63 (1985), 279–300 et Nathalie Lavialle et Jean-Benoît Puech, dir., L’Auteur comme œuvre : L’auteur, son masque, ses personnages, sa légende (Orléans : Presses Universitaires d’Orléans, 2000), ainsi que « La Création biographique », Modernités, 18 (2002), 57–63.
14. Sur cette dimension de l’œuvre de Puech, voir David Martens, « Une galerie de glaces aux reflets qui bifurquent : Iconographies de Benjamin Jordane », Image & Narrative, 13, 4 (2012), 130–53, imageandnarrative.be/index.php/imagenarrative/article/view/277.
15. Yves Savigny, Une biographie autorisée (Paris : P.O.L, 2010).
16. Véronique Montémont, « Usages autobiographiques du matériau documentaire », Littérature, 166 (2012), 41.
17. Jordane et son temps, 1947–1994, catalogue de l’exposition de la bibliothèque de l’Université de Bourgogne, notices de Jean-Benoît Puech et Yves Savigny, frontispice de Pierre Le-Tan (Paris : P.O.L, 2017), 15.
18. Ainsi qu’il l’explique dans la vidéo de présentation de son livre sur le site de son éditeur P.O.L, https://z.umn.edu/6v8l (14 :00). Sur l’« Atelier » du même site, signalons le deuxième numéro des « Cahiers Benjamin Jordane », avec de nouveaux inédits.
19. Jean Davallon, Le Don du patrimoine : Une approche communicationnelle de la patrimonialisation (Paris : Lavoisier, 2006).
20. Jean-François Jeandillou, Supercheries littéraires : La vie et l’œuvre des auteurs supposés (1989), préface de Michel Arrivé (Genève : Droz, 2001).
21. Yves Jeanneret, Penser la trivialité I. La vie triviale des êtres culturels (Paris : Hermès-Lavoisier, 2008).
22. Yves Jeanneret, La Fabrique de la trace, vol. 2 (Londres : Iste Édition, 2019), 23.
23. Voir à ce sujet Jean-François Jeandillou, Esthétique de la mystification : Tactique et stratégie littéraire (Paris : Minuit, 1994).
24. Jean-Marie Schaeffer, Pourquoi la fiction ? (Paris : Seuil, 1999).
25. Jean-Benoît Puech, « Le Rêve de Jordane », Jordane et son temps, 11.
26. « Nous avons existé par cela, cela seul / Qui n’est point consigné dans nos nécrologies / Ni dans les souvenirs que drape la bonne aragne / Ni sous les sceaux que brise le notaire efflanqué / Dans nos chambres vacantes » et « Quel est donc ce troisième qui marche à ton côté ? / Lorsque je compte il n’y a que nous deux / Mais lorsque je regarde au loin la route blanche / Il y a toujours un autre qui marche à ton côté ».
27. Voir notamment Jean-Luc Nancy, Le Regard du portrait (Paris : Galilée, 2000).
28. Marie Darrieussecq, Être ici est une splendeur : Vie de Paula M. Becker (Paris : P.O.L, 2016) ; Emmanuelle Lambert, Apparitions de Jean Genet (Bruxelles : Les Impressions Nouvelles, 2018) et Giono, furioso (Paris : Stock, 2019).
29. Dominique Maingueneau, Le Discours littéraire : Paratopie et scène d’énonciation (Paris : Armand Colin, 2004), 114.
31. Jordane et son temps, quatrième de couverture.