
L'œuvre scolaire de la Commune de Paris
The official historiography of French republican education has suppressed the pedagogical contribution of the Paris Commune, which was both denied and separated from socialist education and from school projects of the labor movement that prepared it. To bury this historical sequence, a historiographic cliché presented the laws required by Jules Ferry as the (only) matrix of the creation of a republican education supposed to free children from unequal education. Yet, the first and radical republican secularization of school education came from the work of the Paris Commune, from the programmatic request submitted on April 1, 1871 to the new Parisian elected representatives by the Society «L'Éducation Nouvelle». This article presents some aspects of this republican and socialist project and argues for the rediscovery of the overall project and its major concepts («la démopédie», « l'éducation intégrale », « la méthode syndicale et « l'école-atelier »). (In French)
«Telle révolution, telle éducation1.»
introduction
L'historiographie officielle de l'école républicaine française a occulté l'oeuvre scolaire de la Commune de Paris, qui a été non seulement niée, mais également séparée des éducations socialistes et des projets scolaires du mouvement ouvrier (qui la préparèrent), et des projets d'école syndicale dans les Bourses du Travail et dans le syndicalisme révolutionnaire (qui la prolongèrent jusqu'en 19142). Pour enterrer cette séquence historique, l'historiographie paradigmatique a présenté les lois voulues par Jules Ferry en 1881–1882 comme la seule matrice de la création d'un enseignement républicain censé délivrer les enfants de l'inégalité d'instruction. C'est méconnaître que la première laïcisation républicaine [End Page 530] de l'éducation scolaire fut instaurée par l'oeuvre scolaire, certes brève, de la Commune de Paris, à partir de la requête programmatique soumise le 1er avril 1871 aux nouveaux élus parisiens par la société L'Éducation Nouvelle, requête qui devint le programme scolaire de la Commune3. Nous allons présenter cette oeuvre scolaire biface (à la fois républicaine et socialiste) en nous appuyant sur les archives de la Commune.
le paradigme dominant
L'histoire française de l'institution scolaire est une histoire des vainqueurs, dans laquelle les mérites et le point de vue des vaincus ne trouvent guère de place. Elle est structurée autour du positionnement des lois scolaires de 1881–1882 comme le "ground zero" de la construction d'une école républicaine. Cette version minimise le rôle des projets scolaires antérieurs et alternatifs dans le camp des républicains socialistes et au coeur du mouvement ouvrier. Ainsi, l'étude des autres tentatives d'édification d'une école du peuple et d'une éducation nouvelle est écrasée par le paradigme dominant:
L'importance de l'oeuvre scolaire de Ferry dans la mémoire nationale et républicaine a contribué à reléguer dans un relatif oubli les multiples conceptions et réalisations relatives aux écoles du peuple qui les ont précédées. D'autant plus que les législateurs de la Troisième République ont forgé une mythologie de la "table rase" qui les posent comme les réels fondateurs d'un système scolaire pérenne4.
L'oeuvre scolaire de la Commune de Paris, en tant qu'expression de la volonté révolutionnaire de la République parisienne des travailleuses et des travailleurs, a donc subi une excommunication presque complète, parallèlement à la criminalisation de la Commune dans les récits propagés par les programmes d'enseignement dès les années 1880: «De toutes les insurrections dont l'histoire ait gardé le souvenir, la plus criminelle fut certainement celle du mois de mars 1871 faite sous les yeux de l'ennemi vainqueur5.» Ce fut ainsi qu'Ernest Lavisse qualifia la Commune dans les manuels d'histoire des écoles publiques. Partisan de Napoléon III, répétiteur privé du prince impérial, membre d'un cabinet ministériel en 1869, Lavisse n'avait rien d'un républicain. Il sut toutefois se rallier opportunément à la République bourgeoise en 1877, ce qui lui permit de devenir un cadre universitaire du régime et de faire de l'histoire de France un organon pédagogique de préservation de l'ordre social, d'exaltation patriotique et d'enterrement politique de la Commune.
Aujourd'hui encore, les ouvrages "faisant autorité" dans le domaine de l'histoire scolaire française oublient presque systématiquement le travail effectué pendant la Commune. Par exemple, la très copieuse anthologie Une [End Page 531] histoire de l'école6 ne cite quasiment aucun des contributeurs au projet scolaire du mouvement ouvrier en général et de la Commune en particulier: ni Édouard Vaillant (responsable de l'Enseignement à partir du 20 avril 1871), ni les principaux éducateurs de la Commune tels que Jean Rama, Maria Verdure ou Jules Allix, ni des précurseurs d'une éducation socialiste tels que Jules Delbrück, Eugène Cabet, Charles Fourier, ni les membres de la toute première Association fr aternelle des instituteurs, institutrices et professeurs socialistes7, ne sont cités. L'élision de l'oeuvre scolaire de la Commune est également perceptible dans la chronologie détaillée fournie par l'ouvrage, qui ne comporte aucune date entre 1867 et 1874, comme si rien de significatif en matière scolaire ne s'était passé pendant cette période.
Relégués dans l'ombre d'un roman républicain célébrant exclusivement l'oeuvre scolaire de Jules Ferry, seuls des travaux militants comme ceux des historiens soviétiques8 ou ceux de Maurice Dommanget9 purent proposer une réhabilitation précoce de l'action pédagogique de la Commune. Notons que ces travaux s'inscrivirent dans une "légende rouge" marxiste n'allant pas elle-même sans distorsions, et d'ailleurs Madeleine Rebériouxrappelle à ce sujet le problème de toute écriture historique: « L'écriture la plus vraie ne peut entièrement restituer le réel, l'écriture la plus mensongère ne peut tout à fait le dissimuler10.»
Au-delà de cette bataille des idées, il semble, à première vue, que l'action scolaire de la Commune avait tout pour se faire oublier: fin mars 1871, elle n'avait ni programme précis de gouvernement pour réformer l'instruction publique, ni marge budgétaire pour supporter son action scolaire. Comme en témoigna Lissagaray, la Commune récolta 26 millions de francs du 20 mars au 30 avril 1871. Sur cette somme, les besoins militaires dévorèrent plus de 20 millions, tandis que l'Enseignement ne dépensa que 1000 malheureux francs, soit bien moins que des postes budgétaires tels que la Marine (29000 francs) ou la subvention à l'Association des tailleurs et des cordonniers (24662 francs). «Ces proportions restèrent à peu près les mêmes du 1er mai à la chute de la Commune11». Le budget alloué par la Commune à la commission de l'Enseignement fut donc ridiculement faible, eu égard à la grandeur de la tâche à accomplir. Avec 0,00005% de son budget consacré à l'action scolaire, la Commune fit moins bien que l'Empire, qui avait alloué 0,5% de son budget à l'instruction publique en 1868…
De plus, durant les premières semaines, la Commune n'eut pas de responsable stable des affaires scolaires puisque celui qui avait été désigné le 1er avril 1871 pour occuper ce poste à la tête de la commission de l'Enseignement, le médecin républicain Edmond Goupil, avait démissionné sans explications le 10 avril. L'oeuvre scolaire de la République sociale de Paris semblait donc bien mal engagée, alors même que, toujours selon Lissagaray, « la délégation de l'Enseignement était tenue d'écrire une des plus belles pages de la Commune12». Mais comment accomplir cette oeuvre ambitieuse quand on n'a ni programme précis, ni budget, [End Page 532] ni responsable pérenne, ni suffisamment de temps pour agir ? Est-ce que, finalement, l'histoire scolaire officielle n'aurait pas eu raison d'oublier l'action pédagogique de la Commune?
les socialismes et l'école
Pour comprendre l'action scolaire de la Commune, il faut prendre en considération deux éléments limitant les handicaps dont nous venons de faire état: primo, la Commune s'inspira d'un important fonds pédagogique construit au XIXe siècle par le mouvement ouvrier et républicain (elle eut donc une base programmatique); secundo, elle pratiqua une forme de pouvoir autogestionnaire et décentralisé qui transféra au niveau des arrondissements et des initiatives citoyennes la responsabilité de l'action (elle fut donc plus efficiente en matière scolaire qu'on ne pouvait le penser, car l'essentiel se passa au niveau local).
En matière programmatique, la Commune bénéficia de la puissance de l'élan pédagogique du mouvement ouvrier et des différentes formes de socialisme tout au long du XIXe siècle. Ce siècle, qui fut un véritable siècle pédagogique plus encore que l'avait été celui des Lumières, fut en effet traversé par un grand foisonnement de projets et d'expérimentations par lesquels les socialismes abordèrent la question centrale de l'éducation, en partant souvent de la demande d'une éducation professionnelle et générale pour les ouvriers. Cette effervescence pédagogique prépara l'action concrète de la Commune dans les domaines scolaires et éducatifs. La formation de l'homme comme être social était un chantier prioritaire pour les socialistes, en vue de la reconstruction de la société sur d'autres bases philosophiques, politiques et économiques. Nathalie Brémand13 a pu ainsi montrer que, pour les socialistes, l'enfant représentait la société de l'avenir, et même «l'espérance et l'instrument du perfectionnement de l'humanité14», selon Eugène Cabet. Pour Auguste Blanqui, le communisme « naîtra fatalement de l'instruction généralisée et ne peut naître que de là15.» Dans cet esprit, le mouvement ouvrier émancipé ne cessa de s'organiser pour proposer aux prolétaires des cours du soir, un accès à l'instruction, des perfectionnements professionnels, et pour revendiquer une éducation nouvelle et universelle.
Les conceptions scolaires socialistes se distinguèrent des approches simplement philanthropiques par le lien établi entre la question de l'éducation et le projet de reconstruction révolutionnaire de la société sur des bases centrées sur l'émancipation du Travail. Pour Marx, il fallait « un système d'instruction déjà nouveau pour pouvoir changer les conditions sociales16. » Là était l'opposition irréductible entre une éducation républicaine d'ordre (celle de Jules Ferry, liée à la préservation sociale et au modelage moral des plébéiens) et une éducation républicaine socialiste (celle de la Commune, animée par [End Page 533] l'émancipation populaire et finalisée par un changement de société). Ainsi, en plus de traits scolaires proprement républicains (l'accès universel à l'instruction, la gratuité de celle-ci et la mise en oeuvre d'un enseignement laïque), des éléments spécifiquement socialistes apportèrent une grande originalité à la pensée ouvrière en matière d'éducation, dont Georges Duveau souligna la créativité avant le Second Empire et avant que le courant de pensée laïque républicaine ne résorbe les projets politiques et pédagogiques du mouvement ouvrier dans les programmes de conquête du pouvoir par les élites républicaines17. Cette pensée pédagogique construisit trois éléments spécifiques des éducations socialistes: l'éducation intégrale polytechnique, l'école-atelier et la méthode syndicale. Ces éléments convergeaient dans l'idée que le travail (et non le savoir) devait tenir le premier rôle dans les plans éducatifs.
Le concept d'éducation intégrale (ou enseignement intégral) définissait une éducation complète et simultanée, c'est-à-dire propre à combiner «le contingent complet des facultés18» de l'enfant. Dans cette éducation nouvelle, la formation aux futures tâches professionnelles faisait partie intégrante des propositions pédagogiques. Juste avant la Commune, le libertaire Paul Robin expliqua que cette éducation donnant à chacun la possibilité de développer librement «toutes ses facultés physiques et intellectuelles» était la seule à être conforme au principe d'égalité. Elle devait proposer une même éducation complète pour filles et garçons, sans hiérarchiser les formes de savoirs, sans exclure de l'école le travail manuel et la formation professionnelle. Il ne saurait y avoir une instruction minimale réservée à l'ouvrier et une instruction réservée à l'élite sociale: tous ont le même droit à un enseignement intégral. «C'est donc au nom de la justice que nous voulons pour tous l'enseignement complet, intégral19.» L'Association Internationale des Travailleurs (AIT) parla pour sa part d'enseignement polytechnique: les ouvriers ont besoin de connaître les savoirs, les outils et les pratiques d'un grand nombre de secteurs d'activités, afin que chacun puisse choisir le métier dans lequel il serait le plus heureux et le plus utile à la collectivité. Marx voyait aussi en l'éducation polytechnique un besoin des prolétaires afin d'échapper à l'aliénation provoquée par la division sociale du travail: « La formation polytechnique, qui a été soutenue par des écrivains prolétariens, doit compenser les inconvénients résultant de la division du travail20.»
Le concept d'école-atelier concrétisait l'articulation fondamentale entre le monde du travail productif et le monde de l'instruction scolaire. Tout comme l'ouvrier ne pouvait pas apprendre sans faire, l'enfant ne pouvait apprendre qu'en agissant et en travaillant. D'où une pédagogie du travail que Fourier, Cabet et Proudhon, pour ne citer qu'eux, avaient préconisée: le travail, étant à la fois l'activité centrale de la société et l'activité ontogénétique par laquelle l'individu se réalise, devait être au coeur des modèles pédagogiques et éducatifs. Dans l'école-atelier, le clivage entre formation intellectuelle (scolaire) et formation [End Page 534] professionnelle disparaissait, de même que la césure chronologique entre deux étapes distinctes: d'abord le scolaire, puis le professionnel. L'école-atelier devait au contraire réaliser une fusion apte à réhabiliter le travail manuel et productif, à désaliéner l'individu en lui proposant de multiples voies de réalisation, et à éviter une spécialisation professionnelle potentiellement dangereuse en cas de chômage.
Le troisième élément spécifiquement socialiste fut l'utilisation de la méthode syndicale: «À l'instruction publique, il [Édouard Vaillant] inaugura ce qu'on pourrait appeler la méthode syndicaliste, faisant appel, dans une large mesure, aux initiatives corporatives21.» Cette méthode signifiait la volonté de bâtir la nouvelle école républicaine et socialiste en lien de coopération avec le mouvement ouvrier, ses chambres syndicales et ses diverses organisations, ainsi qu'avec le mouvement social, les enseignants, les associations républicaines et socialistes, les parents et la population au niveau des arrondissements parisiens. Considérant que l'émancipation des travailleurs ne saurait être que leur propre oeuvre, ceuxci devaient se saisir de l'éducation au même titre que de la production, de la consommation, de la propriété collective, du secteur bancaire et des services communs.
Cette conception de l'action scolaire voulait ancrer la réforme de l'instruction au coeur du mouvement ouvrier et exprimait une volonté d'indépendance de celui-ci vis-à-vis de l'État qui, depuis la répression de juin 1848, était vu comme l'outil universel de domination du peuple par ses maîtres. Un modèle fédéraliste d'inspiration proudhonienne, assis sur la souveraineté des organisations ouvrières par rapport aux institutions d'État, traversa alors les divers socialismes et l'AIT. La Commune réalisa donc une fusion momentanée de l'idéal républicain social avec ce fédéralisme socialiste ouvrier, ce qui n'exclut pas des désaccords entre ceux qui croyaient principalement en l'État et ceux qui croyaient principalement en l'action directe des travailleurs pour administrer la société.
Vaillant, à qui Bourgin attribua le choix de la méthode syndicale, fut pourtant celui qui, en tant que militant blanquiste, en contesta l'efficacité puisque, dans les arrondissements moins actifs et/ou plus bourgeois, la réforme scolaire progressa moins vite que dans ceux où les militants révolutionnaires avaient la main:
Il est nécessaire d'organiser, dans le plus bref délai, l'enseignement primaire et professionnel sur un modèle uniforme dans les divers arrondissements de Paris. […] Il est urgent de hâter partout où elle n'est pas encore effectuée la transformation de l'enseignement religieux en enseignement laïque22.
la Commune et l'école républicaine
Sur ces bases, la Commune reçut le 1er avril 1871, des mains de la société L'Éducation Nouvelle, un programme qu'elle adopta car il s'inscrivait dans la [End Page 535] lignée des projets d'éducation républicaine et socialiste. La délégation qui remit ce programme était parfaitement paritaire: trois femmes (dont Maria Verdure23) et trois hommes (dont Jean Rama24). Le programme de réforme scolaire combinait deux axes: la construction d'une école républicaine et la construction d'une école socialiste. Qu'en fit la Commune, sachant que les choses n'allèrent pas au même rythme dans tous les arrondissements?
La Commune entreprit la réalisation de la première école républicaine en France, c'est-à-dire d'une école publique et commune (ouverte potentiellement à tous les enfants sans distinction), démocratique (assise sur le droit universel à l'éducation et à l'instruction et fonctionnant en lien avec la question de l'émancipation individuelle et collective), tendant vers la gratuité et fonctionnant de façon laïque (l'enseignement et la vie scolaire devant être indépendants de toute religiosité et ne dispenser que des savoirs rationnels et des principes communs de citoyenneté républicaine). Avant même la Commune, de multiples initiatives avaient préparé le terrain pour cette républicanisation scolaire au niveau de plusieurs arrondissements parisiens. Par exemple, Jules Mottu, maire du XIe arrondissement après la chute de l'Empire, fit de l'enseignement laïque une question prioritaire, appuyé par une commission municipale intégrant plusieurs militants de l'AIT, dont l'ouvrier mécanicien Avrial, ensuite élu à la Commune. L'arrondissement entama la laïcisation de l'enseignement public (enlèvement des signes religieux, installation d'enseignants laïques, renoncement à l'enseignement religieux), ce qui provoqua la révocation de la municipalité en octobre 1870.
La Commune poursuivit et étendit cette oeuvre de remplacement de l'enseignement congréganiste par l'enseignement laïque, tout en insérant cette réforme dans la dynamique globale de l'émancipation des travailleurs. Pour cela, la laïcisation scolaire s'appuya sur un élément accélérateur: le décret de séparation de l'Église et de l'État et de suppression du budget des cultes, pris le 2 avril 1871. L'enseignement laïque qui n'était auparavant qu'une position philosophique et politique parmi d'autres et qui n'était qu'une possibilité républicaine, était devenu une obligation légale, inséparable de toute action de la puissance publique. Le décret de séparation permit donc à la Commune d'être la première expérience institutionnelle de laïcisation de la puissance publique en France, ce que l'historiographie dominante oublia généralement, à part quelques exceptions dont nous pouvons citer un exemple représentatif, Claudine Cerf, qui rendit hommage aux promoteurs du décret du 2 avril 1871:
Les auteurs du décret du 2 avril 1871 sont les hardis précurseurs des Républicains qui votèrent la loi du 7juillet 1904 supprimant l'enseignement congréganiste et la loi du 9 décembre 1905 instaurant la séparation des Églises et de l'État. Le principe de laïcité, rejeté par le régime conservateur répressif après l'écrasement du mouvement insurrectionnel, trouve sa [End Page 536] source dans l'action de la Révolution du 18 mars. Il apparaît clairement que la Commune de Paris a constitué le premier gouvernement laïque du monde25.
Toutefois, la politique de laïcisation scolaire n'avança que par le bon vouloir des municipalités locales et, en dernière analyse, des groupes de citoyens eux-mêmes. Elle relevait souvent de rapports de force très localisés, et d'ailleurs çà et là la population s'y opposa. Il fallut attendre le 17 mai 1871 pour que Vaillant, irrité par la lenteur de la laïcisation scolaire, propose d'accélérer et de systématiser le mouvement:
La Commune m'a donné une délégation, dans laquelle je me trouve souvent en conflit avec certaines municipalités, tandis qu'avec d'autres tout va pour le mieux. Il est tout naturel que les municipalités doivent avoir la direction de l'enseignement et prennent toutes les mesures urgentes, relatives aux écoles. Il est évident que, dans tout pays, il doit y avoir un certain ressort central qui règle les ressorts particuliers. L'enseignement ne fonctionne pas comme il devrait fonctionner. Pour aujourd'hui, je vous parlerai des Jésuites. Ils interviennent partout et sous toutes les formes. Des municipalités très ardentes en ont fini en deux jours; dans d'autres, l'on n'a pas pu les chasser. Il serait urgent que, deux mois après la révolution du 18 mars, on ne vît plus de ces gens-là. Il serait bon que les municipalités missent un peu plus de zèle et les fissent disparaître en quarante-huit heures d'une façon absolue26.
Au niveau des enseignants, la laïcisation scolaire inversait la situation imposée précédemment par la loi Falloux. Désormais, les laïques occupaient l'enseignement public (communal) tandis que les religieux étaient repoussés vers le secteur privé. En cela, la Commune inventa un équilibre que reprit ensuite l'institution scolaire française: le public est laïque, le privé peut être religieux. En fait, dans beaucoup d'arrondissements, la Commune ne se contenta pas d'ôter les crucifix des salles de classe, elle impulsa par la laïcisation une véritable révolution politique, sociale et culturelle: la fin de la domination cléricale catholique sur l'ensemble de la société. C'est ce que perçut le libertaire Élie Reclus:
La séparation de l'Église et de l'État, c'est la parole fatale qui sépare le monde du passé du monde de l'avenir; cette parole, le vieux monde ne la pardonnera jamais; car le vieux monde est, quoi qu'on en dise, une vaste organisation théocratique; toutes nos institutions officielles, tant ecclésiastiques que laïques, tant absolutistes que constitutionnelles, reposent en définitive, non sur le principe de liberté, mais sur le principe d'autorité27. [End Page 537]
la lommune et l'école socialiste
L'école que la Commune construisait n'était pas que formellement républicaine, elle s'aligna également sur les principes pédagogiques singuliers du mouvement ouvrier socialiste. Pour cela elle devait dispenser une éducation intégrale, conformément à la requête de la société L'Éducation Nouvelle: «l'instruction rationnelle, intégrale, deviendra le meilleur apprentissage possible de la vie privée, de la vie professionnelle et de la vie politique ou sociale ». Cette dimension constituait le principal marqueur socialiste du programme scolaire de la Commune, que Vaillant eut à coeur de concrétiser:
Considérant qu'il importe que la Révolution communale affirme son caractère essentiellement socialiste par une réforme de l'enseignement, assurant à chacun la véritable base de l'égalité sociale, l'instruction intégrale, à laquelle chacun a droit, et lui facilitant l'apprentissage et l'exercice de la profession vers laquelle le dirigent ses goûts et ses aptitudes; Considérant, d'autre part, qu'en attendant qu'un plan complet d'enseignement intégral ait pu être formulé et exécuté, il s'agit d'arrêter les réformes immédiates qui assurent dans un avenir prochain, cette transformation radicale de l'enseignement.
La délégation de l'enseignement invite les municipalités d'arrondissement à envoyer dans le plus bref délai, au ci-devant ministère de l'instruction publique, 110, rue de Grenelle-Germain, les indications et renseignements sur les locaux et établissements les mieux appropriés à la prompte institution d'écoles professionnelles où les élèves, en même temps qu'ils feront l'apprentissage d'une profession, complèteront leur instruction scientifique et littéraire. Les municipalités d'arrondissement sont priées, en outre, de s'entendre avec la délégation à l'enseignement, afin de mettre le plus rapidement possible les écoles professionnelles en activité28.
Il s'agissait bien d'une conception socialiste définissant l'éducation intégrale comme la complémentarité indissociable d'une formation professionnelle et d'une instruction générale, conformément aux besoins populaires et à l'idée d'une société reconstruite autour du Travail. Quelques écoles professionnelles ouvrirent ainsi en mai 1871, mais ce programme était à peine esquissé que déjà la Commune était écrasée. Le concept d'éducation intégrale eut quand même l'occasion d'apparaître pour la première fois dans le cadre d'un enseignement public recentré autour de la question du travail. À cet égard, il concrétisait un aspect important du projet scolaire du mouvement ouvrier, en vue de l'avènement de l'individu intégral que Marx définissait comme le terme idéal de la société communiste. Alors que la société bourgeoise ne concédait aux prolétaires [End Page 538] qu'une éducation fragmentaire, afin de mieux les enchaîner à un travail divisé, l'éducation intégrale devait les délivrer de l'aliénation.
L'éducation intégrale, c'était aussi la diffusion universelle par l'école d'éléments réservés aux élites sociales: par exemple, la culture du corps et la pratique des exercices physiques29, ou l'entrée de l'art et de l'artiste à l'école, comme le proposa le manifeste de la Fédération des Artistes, animée par Gustave Courbet.
Le projet d'éducation intégrale avait donc quelque chose de profondément subversif pour l'ordre scolaire et pour l'ordre social. Il voulait rendre son unité et sa complétude à une éducation scolaire que la domination sociale avait fragmentée en ordres séparés, hiérarchisée entre disciplines, genres et âges, et amputée de nombreuses activités manuelles, artistiques, gymniques, etc. Ce projet s'inspirait également du proudhonisme:
Dans une démocratie réelle, où chacun doit avoir sous la main, à domicile, le haut et le bas enseignement, cette hiérarchie scolaire ne saurait s'admettre. C'est une contradiction au principe de la société. Dès lors que l'éducation se confond avec l'apprentissage; qu'elle consiste, pour la théorie, dans la classification des idées, comme pour la pratique dans la séparation des travaux; qu'elle est devenue tout à la fois chose de spéculation, de travail et de ménage: elle ne peut plus dépendre de l'État, elle est incompatible avec le Gouvernement30.
La Commune, en portant son attention sur l'ouverture d'écoles professionnelles, souhaitait même permettre aux travailleurs de participer eux-mêmes à l'enseignement. Le modèle classique de l'enseignant, défini avant tout par son instruction "scolaire", devait donc cohabiter avec l'intervention directe de professionnels ou de spécialistes: des ouvriers, des artistes, des gymnastes, etc. C'est pourquoi la commission de l'organisation de l'enseignement, au moment d'ouvrir l'école professionnelle pour garçons, invita «les ouvriers qui voudraient être maîtres d'apprentissage dans l'école […] à adresser leurs demandes à la délégation du travail et de l'échange, section des Chambres syndicales31. » Il est difficile de savoir ce qu'aurait donné cette méthode si la Commune avait eu le temps de la mettre en oeuvre, mais les Archives de la Ville de Paris ont, par exemple, conservé une lettre manuscrite du 12 mai 1871, envoyée à Jean Rama par un ouvrier mécanicien qui proposait ses services pour donner des cours d'enseignement professionnel32. On peut penser que cette ouverture vers le modèle d'une école-atelier, dans laquelle les enfants seraient initiés à certains métiers, préludait à un fort rapprochement entre les chambres syndicales et les écoles communales, en ciblant d'abord les écoles professionnelles. L'école polytechnique dont parlait l'AIT était le modèle de cette action réformatrice à plusieurs dimensions: le rapprochement entre les organisations de travailleurs [End Page 539] et l'école; la visée pragmatique d'amélioration de la formation initiale des travailleurs; l'émancipation des travailleurs par le contrôle de l'action éducative; la transmission à l'école d'une culture et d'une morale du travail afin d'extirper des consciences enfantines les discours des dominants.
Dans cette veine, l'institutrice Marie Manière33 exposa son programme pédagogique dans le journal Le Vengeur dès le 3 avril 187134: créer un atelier-école communal à la place de l'atelier religieux de couture. Cet atelier, dispensant une formation théorique et pratique, devait être sous la responsabilité pédagogique conjointe de simples ouvrières et de monitrices plus instruites car «l'échange de connaissances qui aurait lieu entre ces diverses intelligences, s'exerçant côte à côte, constituerait un milieu très favorable à un enseignement progressiste entièrement dégagé de préjugés.» La Commune eut à peine le temps d'accompagner quelques initiatives de ce type assises sur les capacités pédagogiques de la classe ouvrière. Comme le résuma Henri Bellenger en mai 1871 dans les colonnes du Vengeur:
Il faut que l'éducation soit professionnelle et intégrale. Il faut que les jeunes générations nées et à naître, soient à mesure de leur éclosion, intelligemment guidées dans leur voie qui est le travail. Il faut que les hommes de 1880 sachent produire, d'abord; parler et écrire, ensuite. Il faut que, dès son jeune âge, l'enfant passe alternativement de l'école à l'atelier, afin qu'il puisse, de bonne heure, gagner sa vie, en même temps qu'il développera son esprit par l'étude et la pensée. Il faut, enfin qu'un manieur d'outil puisse écrire un livre, l'écrire avec passion, avec talent, sans pour cela se croire obligé d'abandonner l'étau ou l'établi. Il faut que l'artisan se délasse de son travail journalier par la culture des arts, des lettres ou des sciences, sans cesser, pour cela, d'être un producteur. Quand nous en serons là, quand chaque consommateur saura produire et produira un travail utile, le problème social sera bien près d'être résolu35.
« Qu'un manieur d'outil puisse écrire un livre »: cette formule rappelait que la réforme scolaire de la Commune s'inscrivait dans le projet global d'autoémancipation des travailleurs, inséparable de l'application de la méthode syndicale aux affaires scolaires. Toutefois, cette méthode consista surtout, dans un premier temps, en une adaptation à la crise des effectifs enseignants. Les instituteurs et institutrices firent en effet cruellement défaut à la Commune. Celleci devait trouver des enseignants laïques en nombre suffisant pour remplacer les religieux, mais aussi pour ouvrir de nouveaux établissements destinés à l'accueil du tiers d'enfants non scolarisés sur Paris. Or, un nombre non négligeable d'enseignants ne s'étaient pas ralliés à la Commune, d'autres étaient absorbés par le service de la Garde Nationale et aucune instance de formation ne vint combler les manques. De plus, aucun syndicat ou groupement corporatif d'enseignants n'existaitalors dans Paris, ce qui compliquait l'usage de la méthode syndicale: [End Page 540] « Malheureusement, dans le domaine capital de l'enseignement primaire, Vaillant ne put s'appuyer sur aucune organisation quelconque d'instituteurs36». Non considérés comme des travailleurs manuels (ce qui leur fermait les portes de l'AIT en tant que corporation), dispersés dans les établissements libres sous l'effet de la loi Falloux, partagés entre catégories différentes (avec ou sans brevet, enseignants dans des écoles libres ou enseignants non-religieux dans des écoles congréganistes), les instituteurs ne s'étaient pas dotés d'une chambre syndicale ou d'un groupement professionnel qui aurait pu devenir le principal partenaire de la commission de l'Enseignement. Ce manque handicapa évidemment la politique scolaire de la Commune, mais fut partiellement compensé par le transfert dans les écoles communales de nombreux enseignants républicains ayant précédemment trouvé refuge dans l'enseignement libre. De plus, la fièvre pédagogique du mouvement ouvrier et des groupes républicains avait suscité de nombreuses organisations qui vinrent en aide à la Commune en matière scolaire. La société L'Éducation Nouvelle fournit par exemple à la Commune un militant pédagogique extrêmement productif (Jean Rama) et un administrateur des affaires scolaires à l'Hôtel-de-Ville (J. Manier).
La Commune fit plusieurs fois appel aux bonnes volontés pédagogiques pour remplir les rangs du corps enseignant communal: « La Commune de Paris invite les citoyens et les citoyennes qui désireraient un emploi dans les établissements publics d'instruction primaire de la ville de Paris, à présenter leur demande, avec pièces à l'appui, à la commission d'enseignement séant à l'Hôtel-de-Ville37». Les postulants retenus ne furent pas en nombre suffisant, ce qui provoqua plusieurs relances:
Les écoles primaires et les salles d'asile publiques de Paris dont le personnel a toujours été au-dessous des besoins du service, s'augmente aujourd'hui. Les personnes qui ont demandé un emploi dans ces établissements et qui ne sont pas encore pourvues, sont priées de passer de nouveau à l'hôtel de ville. Celles qui désirent un emploi et qui n'ont pas encore fait une demande sont invitées à la présenter au secrétariat de la commission de l'enseignement, à l'hôtel de ville38.
Cette augmentation des besoins en personnel signifiait, d'une certaine façon, un succès naissant: s'il fallait des enseignants, c'était bien parce que le réseau des classes laïques s'étendait et qu'une première hausse de la scolarisation se faisait sentir.
La méthode syndicale porta aussi sur la participation populaire à la conception et à la mise en oeuvre de la réforme scolaire. Jules Allix lança ainsi «un appel insistant à toutes les consciences, ainsi qu'à toutes les intelligences, pour nous seconder dans cette oeuvre,—le rêve de notre vie, que nous espérons enfin voir fleurir: "La réforme à la fois scientifique et pratique de l'enseignement pour [End Page 541] les enfants39".» Ce fut aussi le sens de l'appel diffusé le 22 avril par Vaillant: « Toutes les personnes qui ont étudié la question de l'enseignement intégral et professionnel sont invitées à communiquer par écrit leurs projets de réforme à la délégation de la Commune à l'enseignement40. » Les projets locaux et la participation des acteurs de l'école étaient donc encouragés, ce qui allait nettement dans le sens de cette démocratie participative que la Commune tentait plus ou moins de mettre en œuvre.
la méthode expérimentale et scientifique
Enfin, l'école de la Commune tenta de prendre un virage pédagogique pour employer exclusivement « la méthode expérimentale ou scientifique, celle qui part toujours de l'observation des faits, quelle qu'en soit la nature, physiques, moraux, intellectuels» (requête du 1er avril). Faute d'observations précises, il nous est évidemment difficile de savoir quels modèles pédagogiques fonctionnèrent dans les classes des écoles d'arrondissement, la suppression de l'enseignement religieux ne signifiant pas nécessairement la fin immédiate du style catéchistique.
Nous pouvons toutefois étudier les pratiques concrètes des institutrices et des instituteurs engagés dans le mouvement à partir des traces qu'ils ont laissées. Par exemple, les Mémoires et la correspondance de Louise Michel (institutrice depuis 1853, mais qui combattit plus qu'elle n'enseigna pendant la Commune), laissèrent transparaître des choix pédagogiques dont on peut raisonnablement penser que, dans un souci de se démarquer des écoles religieuses, ils étaient assez présents dans les écoles laïques parisiennes durant la Commune: pratiques documentaires, expériences scientifiques, collections de géologie et d'herboristerie, potager pédagogique, terrarium, promenades pour observer la nature et le milieu social, pratique du dessin et de la poésie, etc. Il fallait révolutionner l'enseignement pour le rendre profitable aux classes populaires et ce que l'on devine du style pédagogique de Louise Michel obéissait probablement à cet impératif, bien qu'il soit difficile, en l'absence de sources plus complètes et d'un plan de formation des instituteurs de la Commune, de généraliser ce point de vue à l'ensemble des écoles communales parisiennes.
Plus globalement, la pensée pédagogique de la Commune n'était pas dénuée de références. Outre les acquis des divers projets socialistes, elle bénéficiait de la notion émergente de pédagogie démopédique, issue des conceptions de Proudhon: en matière d'éducation, « démocratie doit se prendre décidément au sens de démopédie, éducation du peuple41». Jules Andrieu, professeur pour ouvriers et directeur d'une collection d'ouvrages de pédagogie mutuelle avant d'être élu à la Commune (où il fut responsable des services publics), avait rédigé, pour le Grand Dictionnaire Universel du XIXe siècle de Pierre Larousse, les articles démopédie et pédagogie. [End Page 542]
Andrieu définissait la démopédie42 comme «non seulement l'instruction du peuple, mais surtout et bien plus son éducation. […] L'école socialiste seule paraît avoir creusé à fond cette question capitale dans le pays du suffrage universel.» En couplant ainsi l'éducation et l'instruction, il débordait le cadre étroit du modèle de l'instruction comme devant être "naturellement" émancipatrice et posait que la visée démopédique ne se cantonnait pas à la diffusion du savoir aux individus mais concernait plus largement la préparation à la forme de vie commune. La formation de l'homme comprenait donc l'éducation du travailleur et du citoyen, ce qui signifiait que la visée démopédique ne faisait qu'un avec l'émancipation humaine universelle, incarnée par la pleine et entière citoyenneté républicaine.
Sur ces bases, Andrieu décrivait quelques constituants pédagogiques de l'éducation démopédique en commençant par dénoncer « la passion d'enrégimenter43». Se réclamant de Rousseau, de Pestalozzi et de Jacotot (« dont le système interrogatif vaut mieux que les méthodes en usage basées toutes sur la mémoire»), il insistait sur la conception de la pédagogie comme une science pratique des cas singuliers, des configurations changeantes et des individualités:
En matière de pédagogie, tout système est dangereux et fausse les plus louables intentions. Quel que soit l'enfant, il est mobile. Cette mobilité est le grand ressort qu'il ne faut pas casser pour y substituer l'uniformité qu'apporte avec lui tout système.
Une pédagogie démopédique, en s'opposant au style foncièrement uniforme de toute pédagogie magistrale, pouvait donc faire vivre, au sein des classes et des cours, l'aventure concrète de la communauté des intelligences, autrement dit une véritable révolution intellectuelle. La culture pédagogique de la Commune, en tournant le dos à la fois à l'enseignement religieux et au «bagne universitaire» dénoncé par Vallès, voulait ainsi proposer une expérience démopédique, c'est-à-dire une auto-éducation sociale et morale démontrant la puissance d'agir et d'apprendre propre au peuple. C'était la promesse d'une exploration pédagogique révolutionnaire, dans laquelle l'instruction ne serait pas qu'un moyen de savoir, mais deviendrait un moyen de vivre en commun en toute égalité. Ce ne fut pas le moindre message de la Commune et c'est pour les raisons exposées dans cette étude qu'il semble indispensable de réintégrer enfin l'école de la Commune dans l'histoire de l'école en France, à la fois pour rendre justice au passé et pour abonder la réflexion sur les réformes éducatives d'aujourd'hui et de demain.
notes
1. Albert Thierry, Réflexions sur l'éducation, Paris, Librairie du Travail, 1923, p. 14.
2. Voir Jean-François Dupeyron, À l'école de la Commune de Paris. L'histoire d'une autre école, Dijon, éditions Raison et passions, 2020, 306 p.
3. Voir en annexe.
4. Carole Christen & Caroline Fayolle (dir.), «Écoles du peuple, écoles des pauvres?», Revue d'histoire du XIXe siècle, n°55, 2017, p. 17.
5. Ernest Lavisse, La Nouvelle 2e année d'histoire de France et d'histoire générale (cours supérieur), Paris, Armand Colin, 1895.
6. François Jacquet-Francillon, Renaud D'Enfert & Laurence Loeffel (dir.), Une histoire de l'école. Anthologie de l'éducation et de l'enseignement en France, XVIIIe-XXe siècle, Paris, Retz, 2010, 1056 p.
7. Créée en 1849, cette association publia un programme scolaire très précis et compta parmi ses principaux animateurs l'instituteur Gustave Lefrançais, qui fut élu du IVe arrondissement à la Commune.
8. Aleksandr Molok, L'instruction publique sous la Commune de Paris, Moscou, 1922; Solomon Froumov, La Commune de Paris et la démocratisation de l'école, Moscou, Les Éditions du Progrès, 1958, 327 p.
9. Maurice Dommanget, L'instruction publique sous la Commune et les communards, Paris, éditions de l'Internationale des travailleurs de l'enseignement, 1928, 22 p.; Maurice Dommanget, «L'enfance sous la Commune», Les Cahiers du bolchevisme, 15 avril 1928, p. 212–216.; Maurice Dommanget, L'enseignement, l'enfance et la culture sous la Commune, Paris, éditions-librairie de l'Étoile, 1964, 176 p.
10. Madeleine Rebérioux, citée par Alain Dalotel, « La barricade des femmes », in Alain Corbin & Jean-Marie Mayeur (dir.), La barricade, Paris, publications de la Sorbonne, 1997, p. 355.
11. Prosper-Olivier Lissagaray, Histoire de la Commune de 1871, Paris, Maspéro, 1976, p. 226.
12. Ibid. p. 239.
13. Nathalie Brémand, Les socialismes et l'enfance: Expérimentation et utopie (1830–1870), Rennes, PUR, 2008, 365 p.
14. Étienne Cabet, L'ouvrier; ses misères actuelles, leur cause et leur remède; son futur bonheur dans la communauté; moyens de l'établir, Paris, Aux bureaux du Populaire, 1848, p. 30.
15. Auguste Blanqui, Critique sociale, Paris, Alcan, 1885, tome I, p. 187.
16. Karl Marx, séance des 10 et 17 août 1869 du Conseil Général de l'AIT, in Karl Marx & Friedrich Engels, Critique de l'éducation et de l'enseignement, Paris, Maspéro, 1976, p. 228.
17. Georges Duveau, La pensée ouvrière sur l'éducation pendant la Seconde République et le Second Empire, Paris, Domat-Montchrestien, 1948, p. 49.
18. Victor Considérant, Théorie de l'éducation naturelle et attrayante, Paris, Librairie de l'École sociétaire, 1844, p. 47.
19. Paul Robin, «De l'enseignement intégral(1) », La Philosophie Positive, septembre 1969, p. 273.
20. Karl Marx, séance des 10 et 17 août 1869 du Conseil Général de l'AIT, op. cit. p. 229.
21. Georges Bourgin, Histoire de la Commune de 1871, Paris, Rieder et cie, 1935, p. 110.
22. Journal Officiel, 29 avril 1871.
23. Maria Verdure, fille d'un instituteur membre de l'AIT et élu à la Commune (Augustin Verdure), déposa ensuite à la Commune un projet révolutionnaire de crèche laïque mixte.
24. Jean Rama, instituteur libre-penseur, était un militant de l'éducation laïque et de l'émancipation féminine, aux côtés de son épouse Émilie.
25. Claudine Cerf, article « Commune de Paris », in Martine Cerf & Marc Horwitz, Dictionnaire de la Laïcité, Paris, Armand Colin, 2011, p. 72. Ce dictionnaire a aussi la particularité remarquable de citer les pédagogues de la Commune (Jean Rama, Gustave Lefrançais, Jules Allix) et d'évoquer le rôle de la société L'Éducation Nouvelle.
26. Georges Bourgin & Gabriel Henriot, Procès-verbaux de la Commune de 1871, tome II, Paris, Lahure, 1945, p. 402–403.
27. Élie Reclus, La Commune de Paris au jour le jour, op. cit. p. 79.
28. Journal Officiel, 18 mai 1871.
29. Jules Allix, qui fut sans doute avec Gustave Lefrançais l'élu communal le plus compétent sur les questions scolaires, proposa même la formation d'un corps spécial de gymnastes pédagogues.
30. Pierre-Joseph Proudhon, Idée générale de la révolution au XIXe siècle, Paris, Garnier, 1851, p. 319.
31. Journal Officiel, 22 mai 1871.
32. Archives de la Ville de Paris, cote VD3 15, Commune de Paris.
33. Rapidement arrêtée par Versailles, puis relaxée, elle poursuivit ensuite son activité révolutionnaire et syndicale.
34. Nous nous fions ici au Maitron.
35. Henri Bellenger, «L'enseignement professionnel et intégral», Le Vengeur, 7 mai 1871. Henri Bellenger était également journaliste au Cri du Peuple, de Vallès, et il collabora au Journal Officiel pendant la Commune. Il réussit à fuir en Suisse.
36. Maurice Dommanget, L'instruction publique sous la Commune et les communards, op. cit., p. 5.
37. Journal Officiel, 9 avril 1871.
38. Journal Officiel, 28 avril 1871.
39. Journal Officiel, 30 avril 1871.
40. Journal Officiel, 23 avril 1871.
41. Pierre-Joseph Proudhon, Lettre à M. Charles Edmond du 24 janvier 1852, Correspondance, tome IV, p. 196.
42. Toutes les citations du passage sur la démopédie sont extraites de l'article «Démopédie», Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, Paris, 1870, tome VI, p.420 et suivantes.
43. Toutes les citations du passage sur la pédagogie sont extraites de l'article «Pédagogie», Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, Paris, 1874, tome XII, p.487 et suivantes.
44. Journal Officiel, 2 avril 1871.
Annexe: programme de la société L'Éducation Nouvelle
Les délégués de la société l'Éducation Nouvelle ont été reçus hier par les membres de la Commune, auxquels ils ont remis une requête conçue en ces termes:
À la Commune de Paris,
Considérant la nécessité qu'il y a, sous une République, à préparer la jeunesse au gouvernement d'elle-même par une éducation républicaine qui est toute à créer; Considérant que la question de l'éducation, laquelle n'est exclusive d'aucune autre, est la question mère, qui embrasse et domine toutes les questions politiques et sociales, et sans la solution de laquelle il ne sera jamais fait de réformes sérieuses et durables;
Considérant que les maisons d'instruction et d'éducation entretenues par la commune, ou par le département ou par l'État, doivent être ouvertes aux enfants de tous les membres de la collectivité, quelles que soient les croyances intimes de chacun d'eux;
Les soussignés, délégués de la société l'Éducation Nouvelle, demandent d'urgence, au nom de la liberté de conscience, au nom de la justice:
Que l'instruction religieuse ou dogmatique soit laissée tout entière à l'initiative et à la direction libre des familles, et qu'elle soit immédiatement et radicalement supprimée, pour les deux sexes, dans toutes les écoles, dans tous les établissements dont les frais sont payés par l'impôt;
Que ces maisons d'instruction et d'éducation ne contiennent aux places exposées aux regards des élèves ou du public aucun objet de culte, aucune image religieuse;
Qu'il n'y soit enseigné ou pratiqué, en commun, ni prières, ni dogmes, ni rien de ce qui est réservé à la conscience individuelle;
Qu'on n'y emploie exclusivement que la méthode expérimentale ou scientifique, celle qui part toujours de l'observation des faits, quelle qu'en soit la nature, physiques, moraux, intellectuels;
Que toutes les questions du domaine religieux soient complètement supprimées dans tous les examens publics, et principalement dans les examens pour brevets de capacité;
Qu'enfin les corporations enseignantes ne puissent plus exister que comme établissements privés ou libres.
La qualité de l'enseignement étant déterminée tout d'abord par l'instruction rationnelle, intégrale, qui deviendra le meilleur apprentissage possible de la vie privée, de la vie professionnelle et de la vie politique ou sociale, la société L'Éducation Nouvelle émet en outre le voeu que l'instruction soit considérée comme un service public de premier ordre; qu'en conséquence elle soit gratuite et complète pour tous les enfants des deux sexes, à la seule condition de concours pour les spécialités professionnelles.
Enfin, elle demande que l'instruction soit obligatoire, en ce sens qu'elle devienne un droit à la portée de tout enfant, quelle que soit sa position sociale, et un devoir pour les parents ou pour les tuteurs, ou pour la société.
Au nom de la société l'Éducation Nouvelle, les délégués nommés dans la séance du 26 mars 1871, à l'École Turgot:
Henriette Garoste, rue Saint-Paul, 43; Louise Lafitte, rue Saint-Paul, 43; J. Manier, rue du Faubourg Saint-Martin, 148 bis; J. Rama, rue Caroline, 11; Rheims, rue d'Hauteville, 33; Maria Verdure, rue Sainte-Marie-du-Temple, 8. Il a été répondu aux délégués que la Commune était complètement favorable à une réforme radicale de l'éducation dans le sens qu'ils indiquaient; qu'elle comprenait l'importance capitale de cette réforme, et qu'elle considérait la présente démarche comme un encouragement à entrer dans la voie où elle était résolue à marcher44.